LA RENCONTRE EN EUTONIE :

ENTRE NEUTRALITÉ ET BIENVEILLANCE


Note n° 2


C’est le thème d’une ½ journée d’eutonie proposée à Marseille le 6 décembre 2008.

Il faudra préciser ce que l’on entend par neutralité, bienveillance, et le terme « entre ».


Dans la pratique, lorsque je fais un inventaire de mes appuis, de mes tissus, des espaces intérieur et extérieur…, je suis seul avec moi-même. Je vais à ma rencontre. Mais la séance comporte des situations ou je dois aller à la rencontre des autres.


Comment appréhender et gérer ces situations.


La situation théoriquement simple serait de dire : NEUTRALITE dans la rencontre avec un ou plusieurs partenaires.

L’autre aspect serait : Accueillir la rencontre avec BIENVEILLANCE.


La rencontre entre deux ou plusieurs personnes est une mise en présence de personnalités différentes avec la dimension émotionnelle. C’est, à la suite d’une consigne de l’eutoniste, se retrouver dans une situation qu’il faudrait appréhender sans peur, sans incertitude, sans a priori. Nous savons que ce n’est pas le cas.

Il sera nécessaire, dans les premiers moments de la rencontre, de retrouver calme et confiance.

L’eutonie nous propose des solutions : être bien dans ses appuis, dans sa charpente ou dans son espace intérieur…

Pour nous rassurer nous commençons bien souvent par faire un choix du partenaire, par parler avec l’autre(s), discuter de la consigne, choisir qui fait quoi… Le changement de partenaire si le cas se présente sera abordé plus calmement après une première expérience.


J’ai retrouvé un extrait de J. de AJURIAGUERRA, Le corps comme relation proposé par Michelle Riminati.


Il cite JANET :

« Il n'est pas juste de dire que l'homme pense avec son cerveau. Ce n'est pas avec son cerveau qu'il pense, c'est avec son corps tout entier ; il pense avec ses doigts, il pense avec ses pieds, avec son ventre, comme il pense avec son cerveau ; il pense avec l'ensemble. »


Dans la rencontre de deux personnes ce n’est pas le cerveau qui gère la rencontre ; c’est l’ensemble. C’est la rencontre de deux corps existants.


Toujours d’après le texte mentionné :

« La terminologie psychanalytique actuelle est contaminée avec excès par des expressions telles que : incorporation, internalisation, destruction orale… De telles attitudes ont déformé la vision de l'analyste en prêtant moins d'attention à d'autres sphères organisatrices aussi importantes : sphères tactiles, olfactives, contact corporel, sensations musculaires, articulaires, osseuses. »


Dans la rencontre ce sont ces sphères qui vont organiser et gérer la situation.


Bailly dit aussi :

« Il est évident que la communication entre les êtres se fait non seulement par les mots mais également et beaucoup par des gestes, attitudes, tonalité de voix, qualités imperceptibles de l’expression. »

Nous savons en eutonie que notre tonus va déterminer notre attitude, nos gestes donc la qualité de la rencontre. Mais cette rencontre va modifier notre tonus « vers le haut ou vers le bas dans notre jargon ». Cette rencontre va également modifier toutes nos fonctions physiologiques et émotives.


C’est pourquoi il est nécessaire de prendre des précautions lors des rencontres en eutonie ou dans la vie normale.


La rencontre : Pourquoi faire ? Son intentionalité.


Voici une réponse de J. de Ajuriaguerra pour l’enfant.


Ce jeu de la rencontre est l’expression d’une double intentionnalité chez l’enfant :

  • Faire quelque chose ;
  • Se diriger vers autrui pour le saisir et faire don de soi, de manière que quelque chose puisse nous arriver. Par conséquent à la fois une activité (je vais vers) et une passivité (je fais don de moi) ayant l’une et l’autre fait l’objet d’un choix.


Le don de soi en eutonie et chez l’adulte ne doit pas être abandon, fusion avec l’autre. Aller vers l’autre en restant soi-même et ouvert à ce qui va se passer.


Gerda, dans son livre, à propos du contact dit :

« Le contact conscient avec un partenaire dont on respecte la personnalité, avec son espace autour de lui et dans lequel on ne se perd pas soi-même, malgré l'ouverture la plus totale vers lui, est une autre étape. »

« Par le contact nous incluons dans notre conscience l'espace environnant. C'est ainsi que nous pouvons avoir un contact réel, sans le toucher, avec les êtres humains, les animaux, les plantes et les objets, à travers leur frontière extérieure. »

« Il est encore plus difficile de créer un équilibre de contact simultanément avec deux partenaires. »


Dans les propositions du 6 décembre, la rencontre ne sera pas uniquement une recherche de contact conscient, elle sollicitera la connaissance des autres techniques de l’eutonie.

Avant de faire de l’eutonie et avant d’acquérir la technique du contact conscient nous avons tous fait l’expérience du contact avec des objets, le sol, l’environnement.


Dans une visée thérapeutique Gerda précise :

« L'eutoniste doit être capable, à partir d'un point du corps, d'être conscient des différentes parties de l'organisme de l'autre ; il doit être capable de compléter une forme dans ses trois dimensions à partir d'un point extérieur… »

« L'utilisation de cette technique nécessite avant tout de l'eutoniste un très grand respect de la personnalité de l'élève, la faculté d'être neutre, la parfaite maîtrise et le parfait dosage des différents modes de contact. »


Ce qui nous ramène à la notion de neutralité.

Voir le cahier du C M E n°10 février 2009 mais aussi le cahier n° 5 de l’Association Franc-Comptoise (de René Bertrand) et au texte de Jean Delabbé de janvier 2004.


Dans la notion de neutralité il faut y voir disponibilité, ouverture, absence de parti pris, écoute.


Citons un extrait du cahier CME n°10 :

« Je dirai que la rencontre avec un partenaire suppose disponibilité, ouverture, de ne pas être de parti pris, d’évoluer constamment en accord avec le moment-situation de la rencontre. »


Jean Delabbé dit aussi :

«L'état de réceptivité maximale suppose d'être acteur et spectateur à la fois. »


Dans la notion de bienveillance en psychanalyse, la règle est d’adopter une attitude de retrait, de réserve, souvent silencieuse, de détachement, de rôles (guider, conseiller, celui qui sait…) et une attitude flottante.


Cette attitude flottante évite d’être enfermé dans ses certitudes.


Dans la notion de « entre » il faut y voir cette attitude flottante qui nous permet d’évoluer en fonction de ce qui se passe dans la rencontre.


Pour conclure je dirai que mon attitude sera de me permettre d’évoluer dans la rencontre entre neutralité et bienveillance, moyen de contenir une émotion naissante dans la sobriété et la discrétion, émotion non handicapante mais stimulante.


Michel Marchaudon, 1 juin 2011


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