Nano technologies et micro-motricité


À la lumière de l’article sur le « Nano entraînement » dans le numéro 120 de Sport et Vie de mai-juin 2010


Si le professeur Guy Thibault – chercheur au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (département de Kinésiologie, à l’Université de Montréal) – a donné le nom, très récemment, de « Nano entraînement », au sujet d’un entraînement aux séquences brèves, nous pourrions alors, par l’entremise du CRREE et de son département de recherche, parler de « nano motricité » et d’une nano technologie pour déceler ce genre de manifestation au plan neuro-musculaire et en rapport avec les grands axes de l’Eutonie. L’apparition de ce genre de recherche (sur la micro-motricité) et de ses résultats ne datent pas d’hier, mais plutôt d’avant-hier (1996, si mes souvenirs d’octogénaire – et plus ! – sont restés intacts) avec la diffusion de deux fascicules – destinés aux étudiants préparant le diplôme d’Eutonie – s’intitulant : « Motricité - Mouvement » en 2000, puis, en regroupant ces deux fascicules, est né un seul livre ayant le même titre (CRREE éditeur) en 2008 où l’on peut lire en page de garde :

« Sans doute est-il possible, par la pratique eutonique, de discriminer la motricité de type volontariste (ou/et celle attachée au réflexe) de la motricité qui paraît se situer dans un autre domaine, mais seulement repérable lorsque l’expérience sensorielle atteint son plein essor. Apparemment, aucune étude ne semble avoir vu le jour concernant le mouvement eutonique tel que nous le concevons, l’exprimons et l’expérimentons dans notre association.



Bien des spécialistes du mouvement, parmi les membres de notre groupe : professeurs d’EPS ou de sport, kinésithérapeutes, psychomotriciens(nes), professeurs de danse…, se posent la question sur l’origine de ces micro-manifestations motrices particulières, diverses, modulatrices, parfois inattendues qui se révèlent et s’affirment à la suite de la mise en forme de certains micro-procédés lors de circonstances propres à la pratique eutonique. »

Est-on, dans ce domaine particulier proche de ce que certains auteurs appellent : les nano technologies ?



Ce qui nous différencie ou nous rapproche des nano technologies



Très controversé actuellement l’univers des nano technologies s’est ouvert et diversifié dans des domaines aussi disparates que l’électronique, la médecine, l’agriculture, les nouvelles énergies et matériaux, c’est-à-dire tous azimuts ; ce qui fait que, peut-être, en voulant garder un certain secret d’intellection et de fabrication, bien des entreprises ou des laboratoires de recherche évitent de donner des précisions sur leur conception et leur mode d’utilisation (en dehors des acheteurs de ce genre de technologie). Ce fait scientifique propre au XXIème siècle, nous fait entrer dans un nano monde, celui de l’infiniment petit, une plongée dans une autre dimension qui n’est pas un monde en réduction mais un tout autre univers avec ses lois bien particulières, ne présentant aucune comparaison avec celles qui ont, jusqu’alors, régi le monde commun.



Est-ce, pour les raisons évoquées ci-dessus, que le terme employé par le professeur Guy Thibault « nano entraînement » – à moins que ce qualificatif soit le fruit d’une dérision ou d’une tournure métaphorique, somme toute de l’adaptation d’une expression – ne semble pas convenir car nous restons, avec le phénomène « entraînement », dans cette quête de la VO2max(1), liés à des schémas technologiques successifs, développés depuis quelques décennies et à leur évolution (que le professeur Thibault décrit très bien), même si la démarche semble nouvelle et s’accrocher à des certitudes. Ce dernier genre de conduite paraît, d’ailleurs, difficile à soutenir pour qui vogue dans la recherche concernant le « vivant », avec toute la part réservée à l’aléatoire(2).



En appelant cette forme récente d’entraînement : « Séance de Gibala » les athlètes seraient beaucoup plus proches de la réalité. D’ailleurs, l’auteur de l’article fait bien de rappeler le sens du mot « nano », dans l’introduction de son article. Lorsque l’on pourra provoquer, par exemple, une augmentation de l’activité des enzymes du métabolisme aérobie autrement que par l’activité physique, en excluant toute forme de produit dopant – par exemple, l’agitation thermique provoquée par un procédé propre aux nano technologies – le nano entraînement aura, sans doute, droit de cité.



Le vœu de Gerda Alexander (la promotrice de la méthode appelée Eutonie) ayant été de faire de celle-ci, une pratique de notre temps, nous allons essayer d’établir un parallèle entre la pratique eutonique et ce nouvel aspect de la réalité.



Dans cet univers particulier, ne pourrait-on pas inclure tout ce qui concerne le micro-mouvement dans le monde de la micro-motricité développée par l’eutonie dans sa part liée à la démarche individuelle (ce que nous avons appelé, au CRREE : la relation individuelle avec aide de l’eutoniste).



En effet, les micro-mouvements qui se développent – sous l’action d’un procédé adéquat affilié à l’épreuve sensorielle optimale – sont quelque fois d’une telle finesse que seule, une dextérité (sensibilité/perception) extrême pourra les révéler(2). Il convient de dire que le jeu des articulations intéressées est, entre autres, très limité dans leur possibilité de déplacement, freiné au niveau des surfaces par les tissus annexes et la fonction neuro-musculaire de tension permanente ou de tension extraordinaire proche d’un état pathologique.

Nous entrons là dans le domaine d’une véritable nano technologie mais qui est propre à la matière vivante, ce qui rend le phénomène encore plus délicat, discret, parfois aléatoire dans sa forme temporelle, demandant de la part de l’opérant une adaptabilité constante (la mise en jeu d’une pluri-conscience – corporelle ou somatique) un état d’être et de faire en fonction de ce qui se présente, se déroule dans l’immédiat, chez le co-pratiquant. Est-ce là, déjà, que résiderait la différence avec les nano technologies courantes, c’est-à-dire autres que celles propres à la matière vivante et réalisées in vivo ?



Si, dans cette classe de nano technologies actuelles (habituelles), il est possible de partir de concepts bien arrêtés, dans notre univers, propre à la « vivance » du corps, dont les hypothèses sont nées de l’expérience, il semble difficile de s’embarquer dans une opération avec un flot de concepts rigides qui pourraient conduire à des formes non moins rigides de procédés et de manœuvres capables d’occulter les possibles micro-effets – tels que nous pouvons nous en rendre compte dans la mise en application d’exercices aux conceptions préétablies. Quand, dans cette dernière optique, des résultats à court terme se révèlent, la mise en perspective du long terme devient souvent problématique et demande le renouvellement de types identiques d’examen, conduisant à la stéréotypie (la reproduction du même, éventualité la plus proche du conditionnement : une démarche paraissant fort éloignée de celle de la promotrice de l’eutonie).



Le côté abscons de cette dernière exposition tient au fait que notre démarche est prioritairement consacrée à la pratique et que, là encore, nous abordons un monde bien particulier où se manifestent des réactions en chaînes ou globales ou simultanées (difficiles à traduire dans la linéarité de l’écrit), l’apparition d’une diversité de phénomènes assujettie à un certain degré de complexité et d’imprévus décelables dans l’instant, compatibles avec la « vivance » somatique.



Remarque : Des extraits de cette réflexion ont constitué un courrier avec le professeur Thibault sous le couvert de la revue « Sport et Vie ». Ce dernier nous a répondu personnellement et une réponse a, aussi, trouvé sa place sous la rubrique réservée au « courrier des lecteurs » de cette revue (n° 125, mars-avril 2011, p. 10).



Jean Delabbé, 20 mai 2011

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(1)  La consommation maximale d'oxygène ou VO2max – terme-symbole indifféremment masculin ou féminin, dont le « V » est en principe surmonté d'un point afin de signifier qu'il s'agit d'un débit – est le volume maximal d'oxygène qu'un organisme aérobie en général ou le sujet humain en particulier peut consommer par unité de temps lors d'un exercice dynamique aérobie maximal.



(2)  En effet, actuellement, aucun appareil ne semble capable de déceler ce genre de chose. Dans une porte ouverte à l’INSERM (U 887) dont le laboratoire se situe dans les locaux de la faculté des sciences et du sport de l’Université de Dijon, il y a quelques années, j’expérimentais la contraction musculaire des gastrocnémiens avec un appareil amplificateur de sons. A la fin de l’expérience j’ai demandé la possibilité de garder les électrodes en place car un bruit de fond assez marqué continuait à se manifester, une sorte d’artéfact ou une manifestation de l’activité tonique de muscles qui avaient été fortement sollicités. La réponse a été, dans ce domaine précis, très négative. Je n’en ai tiré aucune conclusion sur cette réponse mais que, seulement, cette éventualité n’était pas du domaine de la recherche de ce professeur.

Peut-être que le microscope électronique à balayage, souvent utilisé dans les nano technologies, serait capable, par son extrême sensibilité de nous donner des précisions objectives, une confirmation de notre observation sans doute, en partie, subjective ?



NB : un récent entretien/échanges (sur un WE ) avec un chercheur en neuro-sciences, attaché à l’université de Lyon, va sans doute nous conduire à une étude sérieuse sur la micro-motricité.

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