Relations interpersonnelles


Note n° 1



Texte écrit à l’occasion d’une ½ journée d’eutonie à Marseille le 10 décembre 2005 sur le thème « des relations interpersonnelles ».



Il me semble utile de préciser ce que l’on peut entendre et comprendre sous cette formulation.

Cela nécessite de définir « La relation interindividuelle ou interpersonnelle ».



Je l’emprunte à J. C. Kaufmann dans son livre L’invention de soi, une théorie de l’identité, édité chez Hachette Littérature en 2005.



« La relation interindividuelle est un processus dynamique et ouvert, résultat d’une négociation verbale ou tacite et silencieuse, consensuelle ou acceptée ou négociée avec l’autre personne. »

« Ce processus se concrétise par des interactions qu’il faudra peut-être repérer puis analyser grâce à des signes patents. »



La relation interpersonnelle peut donc se définir comme un processus d’échanges.



Mais pourquoi proposer ce type de recherche en eutonie ?



Gerda Alexander nous met en garde contre les risques de perturbations que ces échanges peuvent entraîner. Je vous conseille de lire le passage « Contact avec les autres ».



Citons quelques lignes.

« Aussi ne commençons-nous jamais avec des adultes par des exercices de toucher et de contact des élèves entre-eux. En effet, lors d’un contact corporel, la transmission du tonus musculaire et des tensions neuro-végétatives est sensiblement renforcée… Dans des cas simples de dystonie, il suffit souvent d’un toucher conscient du pédagogue pour transmettre son équilibre tonique. Si par contre ce toucher se fait entre élèves, de tels contacts peuvent peut-être aider ceux qui ont des difficultés personnelles à sortir momentanément de leur isolement, mais ils ont aussi pour conséquence que chacun transmet son propre désordre à l’autre. »



« En eutonie, il n’est question de toucher et contact entre les élèves que lorsque la régulation de leur tonus est arrivé à un état d’équilibre tel qu’il ne puisse nuire à l’autre. »



« Chaque personne est un cas particulier qui a sa propre histoire. Il faut rappeler qu’à cet égard son comportement influence physiquement et psychiquement son entourage. »



« Tout échange social, s’il est sincèrement ressenti et ne se borne pas à une compréhension intellectuelle, s'accompagne d’un changement de tonus. »



Maintenant si l’on se place d’un point de vue sociologique nous pouvons ajouter :



« L’individu est un processus dynamique, ouvert, où le social et l’individuel sont intimement imbriqués, dans des configurations complexes.» Norbert Elias 1991.



Ou encore : « L’individu est lui-même de la matière sociale, un fragment de la société de son époque, quotidiennement fabriqué par le contexte auquel il participe, y compris dans ses plis les plus personnels, y compris de l’intérieur (dans sa propre subjectivité). L’individu n’est pas une pure conscience hors de l’histoire et séparé de son contexte. Il ne peut donc être réduit à son psychisme. »



Cela peut poser le problème de la liberté de chacun dans notre société.

Les propositions qui seront faites dans les échanges à deux s’inscrivent donc dans un contexte social où les limites existent entre ce que l’on pourrait qualifier de correct et d’incorrect.



« L’infrastructure individuelle n’est guère stable, travaillée par mille contradictions – mais elle est unifiée par une clôture de sens qui lui donne un enveloppement conférant l’évidence de soi. » J. C. Kaufmann Opus cité.



Malgré nos mille contradictions , il faudra trouver un consensus pour favoriser les échanges en évitant les dangers signalés par Gerda.



Dans un premier temps il s’agira de se mettre en « ordre avec moi-même » selon l’expression de Gerda pour éviter les désordres rappelés plus avant.

Comment ? Par un travail individuel d’optimisation de son équilibre neuro-végétatif et de son tonus puis par une recherche d’une certaine neutralité dans les échanges à deux ou plusieurs. Il sera donc souhaitable que la proposition ne sollicite pas trop le côté émotionnel ou intellectuel des parties en présence.



Peut-on parler de neutralité en eutonie ? Cela fait débat chez les eutonistes depuis longtemps si l’on en juge par les écrits de René Bertrand, de Jean Delabbé…

Pour les sociologues la neutralité apparaît comme un consensus « mou » car il n’est pas facilement objectivable. Les psychanalystes parlent de neutralité bienveillante.



Nous serons obligés, pour ne pas tomber dans le n’importe quoi, de trouver des repères communs et d’assurer un contrôle mutuel des interactions, ce que nous appelons « effets » en eutonie.



Qu’attendons-nous de cette forme de travail ?



  • De sortir de son isolement,
  • D’affiner sa sensibilité extéroceptive et proprioceptive,
  • De maîtriser ses émotions,
  • De réguler son métabolisme et son tonus,
  • De s’enrichir de la connaissance de l’autre,
  • De sortir de sa propre subjectivité par la réalisation d’un projet commun objectif.



Mais nous savons que la relation à deux ou plusieurs peut provoquer, malgré tout, des perturbations et du stress par un réveil de situations émotionnelles refoulées, par des modifications des rythmes cardiaques et respiratoires, par des déséquilibres toniques.



Il faudra être attentif à ce type de réactions sur soi, sur son partenaire. L’observation n’étant qu’une première étape. Les échanges verbaux seront la seconde.



Michel Marchaudon, 01 juin 2011

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