SOUVENIRS DE GERDA ALEXANDER


Années 1980 – 1988


Gerda a arrêté ses cours pour ses 80 ans. Mon dernier stage avec elle est celui au centre Saint Thomas de Strasbourg en juillet 1988. Une chapelle était à notre disposition pour la pratique.


A la demande de pratiquants d’eutonie, ceux ou celles qui n’ont pas eu le plaisir de connaître physiquement Gerda, je voudrais faire quelques rappels d’éléments de séances dirigées par Gerda et de propos tenus à l’occasion de ces séances.


Gerda nous demandait d’être installé sur notre couverture avant son arrivée et de faire un travail personnel de ce qu’elle appelait un inventaire.


Elle arrivait discrètement, s’asseyait, et commençait la séance qui ne durait pas très longtemps, jamais plus d’une heure trente.


Entre la séance du matin et celle de l’après-midi elle nous demandait de nous reposer et surtout à Talloires (stage de 5 à 6 jours) de ne pas nous baigner pour des raisons diverses mais surtout par sécurité. Je pense que ces séances entraînaient de nombreuses modifications physiologiques surtout métaboliques et que le repos ou le sommeil permettait au corps de digérer et d’assimiler ces changements.


Lors d’un travail sur la marche, avec prise de conscience des appuis, du transport osseux, de la dissociation du regard en suivant une personne des yeux, de la libération des épaules permettant les libres coordinations membres supérieurs, membres inférieurs, Gerda nous demandait d’accélérer progressivement le rythme de la marche. Sans l’avoir vu se lever j’ai senti sa présence près de moi. Elle m’accompagnait dans ma marche rapide tout en touchant différentes parties de ma ceinture scapulaire pour obtenir la libération musculaire souhaitée. Ma surprise fût grande de la voir ainsi évoluer aussi rapidement après une période assise. C’est probablement qu’en nous donnant des consignes elle avait préparé son corps avec le tonus nécessaire à la marche rapide.

D’ailleurs à la fin des séances elle repartait plus légère et dynamique qu’à son arrivée.

Dans la marche, elle nous demandait de ne pas perdre le contact visuel avec le groupe.


Puis après un travail en coucher dorsal de contact balles de tennis-ischions, puis de repoussé des pieds dans différentes directions (membres inférieurs pliés : en crochet) nous avons été invités à reprendre la marche. Il s’en dégageait une sensation de meilleur équilibre.


Puis venait encore un travail de contact balles de tennis sous les trochanters pour obtenir un meilleur équilibre tonique entre rotateurs médians et latéraux de la hanche (internes – externes) que l’on pouvait constater en coucher (décubitus) dorsal : les pieds se rapprochaient de deux lignes parallèles orientées vers le haut au lieu de rouler vers les côtés.


Elle insistait sur le placement des pieds au sol, proche du parallélisme car disait-elle le transport des forces (transport osseux) se fait mieux vers le petit bassin et les muscles lombaires. De même elle insistait sur la dé-tension des muscles de la nuque en position debout sinon il y a des répercussions sur les muscles lombaires avec une augmentation des pressions pouvant provoquer des hernies discales lombaires.


     Extraits de notes prises à Strasbourg le 11 juillet 1983


Autres situations vécues en stage avec Gerda Alexander :


1/ Les oscillations du corps en position debout :


Gerda, après un travail sur la station debout, mettait en évidence les oscillations physiologiques du corps. Cette intuition de 1984 a fait l’objet d’études systématiques notamment à l’Ecole de Cadres de kinésithérapie de Bois-Larris près de Chantilly. Ces oscillations posturales sont aussi mentionnées dans l’essai de Jean Delabbé « Motricité Mouvement 2è partie ». Ce maintien postural est cyclique. Ces oscillations varient avec l’âge dont le centre de gravité décrit un 8 avec un axe antéro-postérieur plus grand.


Gerda expliquait que ces oscillations favorisaient la circulation, sollicitaient les réflexes posturaux et d'équilibration ainsi que le système neuro-végétatif. Elle conseillait aux personnes âgées d’utiliser un rocking-chair pour entretenir toutes les fonctions métaboliques du corps.


2/ Discussion sur le transport osseux ou réflexe de redressement :


Le bébé qui s’accroche avec les mains au bord supérieur de son parc en se maintenant ainsi debout et qui se secoue prépare sa station debout et la marche en stimulant et développant les muscles érecteurs du corps (fonction éréïsmatique). Quand le bébé est debout, tous les muscles sont relâchés dit-elle à l’exception du carré des lombes et du psoas. Pour l’adulte elle conseille d’avoir les pieds parallèles pour mettre la tête fémorale en bonne position pour supporter le corps. Ainsi le transport osseux passe à travers le bassin vers le sacrum et l’atlas.


3/ Porter son attention sur des zones précises du corps :

Le coccyx :

Gerda utilisait alors des images qu’elle n’a plus employées par la suite. Elle proposait de penser à la vache qui agite sa queue dans un pré de bonne herbe ou au chien joyeux qui agite sa queue. Elle pensait que le coccyx était souvent le siège de tensions musculaires ou de blocage ou de déviations entraînant des effets négatifs sur le fonctionnement du corps. C’est aussi le constat des ostéopathes.

Elle nous demandait, après un travail de palpation, de porter toute notre attention sur le coccyx en relation avec le sacrum, puis de le mobiliser dans différentes directions. Il s’agit évidemment de micro-mouvements. Je ne sais plus si déjà elle parlait de directions précises et d’intention de mouvement, travail que j’ai approfondi par la suite avec Jean Delabbé. Puis nous étions invités à dessiner à partir du coccyx. Nous avions tous ressenti les effets positifs de cette recherche.


La coracoïde :

C’est un processus osseux situé sur la face antérieur de la scapula d’où partent trois muscles : le petit pectoral, le court biceps et le coraco-brachial.

La recherche de ce processus commençait par la palpation sous la clavicule. Gerda insistait sur l’ouverture de cette zone à partir de la détente des muscles coracoïdiens.


Chaque côte :

Nous avions l’habitude de faire un inventaire du thorax, de distinguer un hémi-thorax de l’autre, de prendre conscience de l’espace entre chaque côte, de suivre mentalement les courbes d’une côte mais jamais de mobiliser un côte indépendamment des autres.

Gerda nous a fait part d’une recherche personnelle. Suite à la pose d’un cataplasme trop chaud sur le thorax, elle a cherché à fuir ce contact brûlant en éloignant chaque côte l’une après l’autre. Elle y a réussi. Ainsi elle a vu qu’il était possible de le faire. C’est ce qu’elle nous a proposé dans un stage d’été. Je ne sais plus qu’elles ont été ses consignes pour nous permettre de réussir. C’est plus tard avec le travail proposé par Jean Delabbé que j’ai retrouvé comment mobiliser un os long donc une côte assimilée à un os long : conscience de la côte, choix d’une direction, intention d’aller dans cette direction, puis laisser se faire le micro-mouvement et seulement si rien ne se produit, engager volontairement une action dans la direction choisie. Ensuite choisir d’autres directions (selon un diagramme établi comme dit Jean Delabbé) : sens d’une côte vers l’avant, vers l’arrière puis perpendiculairement à son axe vers le haut, vers le bas… après la libération des côtes il est possible de faire des dessins avec une côte ou mieux avec un point précis d’une côte.


4/ Conseils de Gerda le matin au réveil :


S’étirer dans le lit mais aussi faire des repoussés du trochanter en position costale puis toujours des repoussés de trochanter en ajoutant une rotation du tronc (rapprocher l’épaule supérieure du lit).


5/ Conseils de Gerda le soir avant de s’endormir :

Mobiliser sans engagement musculaire volontaire les côtes et les vertèbres.


    D’après des notes prises lors d’un stage à Talloires du 31 août 1984.


Michel Marchaudon, le 18 avril 2008

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